Le syndrome OVNI-BLUES
Chaque cas élucidé représente une frustration pour les uns, une victoire pour les autres
Un lecteur en désaccord avec le classement de certains cas jugés de consistance faible par OVNI66 (un seul témoin, aucun effet connexe) s'est manifesté à plusieurs reprises, nous reprochant des enquêtes orientées en faveur de phénomènes expliqués. D'autres lecteurs, au contraire, nous encouragent à garder une ligne de conduite prudente et à poursuivre dans la démonstration que n'importe qui peut, en toute bonne foi, se tromper. Il faut l'avouer, pour certaines personnes, le sujet OVNI "prend aux tripes". Ce sont des passionnés, des convaincus qui s'exaltent à la moindre apparition insolite. Que ce soit pour défendre l'hypothèse extraterrestre ou la pensée rationaliste, la dynamique est la même. Ainsi dans les coulisses de l'ufologie, de réelles tensions sont perceptibles dans les forums spécialisés.
Lâcher de lanternes OVNI66 (photo Sophie Jolivet)
On les remarque en particulier quand viennent les explications officielles : lanternes thaï, ballons, reflets, satellites, bolides, etc. Celle des lanternes agace beaucoup ! Pourtant 60 000 lanternes ont été vendues en 2010 par le plus gros distributeur en France et il faut bien qu'elles s'envolent un jour. 60 000, c'est beaucoup ! Plus de 160 ballons lumineux quotidiens ! Et comme on a plutôt l'habitude de les envoyer par grappe de 20, ça fait une moyenne grossière de 8 lâchers par nuit en France. La plupart du temps, les lanternes sont utilisées le week-end à la faveur d'évènements sportifs, cérémonies, mariages, baptêmes. Si on réduit la fréquence d'envol à ces deux jours par semaine, cela fait une moyenne de plus de 57 lâchers de 20 unités par week-end dans l'hexagone ! Ce chiffre "espante" comme on dit chez nous... Il est donc normal que l'hypothèse lanternes soit la première qui vienne à l'esprit quand on décrit des sphères lumineuses silencieuses se déplaçant en formation.
La recherche de la vérité n'est pas toujours récompensée
D'un côté ceux qui sont persuadés que nous sommes visités et de l'autre ceux qui veulent tout expliquer. Dans les deux cas, les motivations obéissent à des sensibilités fortes qui aboutissent parfois à des affrontements sévères entre partisans de chaque bord. Il n'est pas simple de trouver le juste milieu ! C'est ce qu'aimerait OVNI66.
La manière dont le sujet est traité par les médias n'aide pas toujours à se faire une opinion juste du "phénomène" OVNI car il fut longtemps pris en dérision ou tout bonnement ignoré. Depuis les années 90, une génération entière de passionnés, mue par l'essor d'internet, délaisse les bibliothèques silencieuses pour les réseaux sociaux plus bavards : la liberté d'expression qu'offre le net permet de tout dire, tout dévoiler. C'est alors que les courants de pensées hérités de l'époque New-Age déferlent sur la toile, accompagnés de ses détracteurs et les débats font rage. Qu'en ressort-il après une décennie de confrontations ? En sait-on vraiment plus ? Sommes-nous visités ou pas ? Beaucoup de théories, spéculations, fabulations alimentent les espaces d'expression. Mais comment distinguer le fantasme du réel sans source, sans enquête, sans vérification possible ? En supprimant tous les dossiers dont on ne peut vérifier les sources, on constate une grande rareté de cas étranges. Pire encore, les vidéos en ligne qui montrent des images sur-compressées, floues ou alors très claires mais le plus souvent issues de trucages sophistiqués de type CGI : la plupart ont en commun l'absence de détails ou de témoins oculaires pouvant confirmer la véracité de la scène filmée.
Le témoin unique, incompris, tel David Vincent...
Un ovni pointe son nez dans le ciel, un rapport est rédigé, un témoignage publié dans la presse et les opinions s'embrasent... Au milieu de toute cette cacophonie de débats sans fin, le témoin unique, lui, est bien seul (sans jeu de mots). Les cas ne sont pas si rares où, face aux railleries et commentaires désobligeants, le témoin isolé se sent profondément blessé dans son estime (c'est la raison pour laquelle nous préconisons l'anonymat dans les publications).
En l'absence d'effets connexes ou de recoupement avec d'autres signalements, il ne reste que la version d'une personne seule. L'indice d'étrangeté restera faible, quelle que soit la teneur du récit car il n'y aura personne pour contredire ou confirmer ses dires. Que faire dans ce cas ? On ne peut ignorer l'observation insolite rapportée par une seule personne car au moment du témoignage, on ne sait pas si d'autres se manifesteront. Chez OVNI66, les appels à témoins sont succincts afin de n'influencer personne et de pouvoir, a posteriori, effectuer des recoupements. Que se passait-il dans le ciel au moment de l'observation insolite ? Trafic aérien, conditions météo, angles de vue, position du soleil ou des astres, évènements particuliers ? Une fois le délai de 3 à 5 jours passé, il y a peu de chances de retrouver des éléments concordants. Pourtant, en l'absence d'indices venant conforter l'aspect insolite, il est difficile de classer un cas dans la catégorie "inexpliqués" si des éléments contradictoires peuvent résoudre l'affaire. Même si le doute est permis, on privilégiera toujours la solution la plus simple, celle qui semble la plus crédible, tout en gardant le plus grand respect pour l'opinion de chacun.
L'absence d'OVNI donne le blues
L'OVNI-BLUES est un syndrome composé de plusieurs signes distincts : espoir, déception, isolement, doute, colère, incertitude, contradiction, frustration, sentiment d'injustice...
Dans le contexte ufologique, il atteint particulièrement ceux qui se sont forgés une opinion sans que celle-ci ne soit vraiment confirmée pleinement (croire c'est douter). Les rationalistes et les croyants sont aussi concernés les uns que les autres ! Pour le témoin seul (et ceux qui le défendent), l'ovni-blues est un risque bien réel qu'il ne faut pas négliger. Il convient de bien entourer la personne et de l'aider à affronter ses doutes et accepter les erreurs d'appréciation possibles face à un évènement rare.
Quand on assiste pour la première fois au passage planifié de l'ISS ou que l'on découvre la luminosité d'un flash d'Iridium, on se rend bien compte de notre ignorance des choses du ciel. Quelqu'un m'a confié : "La première fois que tu vois une grappe de lanternes lumineuses en vol, tu prends quand même un petit coup d'ovni-blues dans la gueule !", en ajoutant : "Et je ne te parle même pas du bolide vert qui semble tomber à moins de 3 km alors qu'il est observé au même moment dans toute la France. Le coup d'OVNI-BLUES est alors proportionnel à ton erreur d'appréciation des distances la nuit !".
Il faut bien l'admettre, la culture générale sur les sujets aéronautiques, météorologiques, astronomiques et optiques n'est pas si répandue. On en apprend chaque jour car les domaines concernés sont nombreux et nul n'est spécialiste dans l'ensemble de ces catégories.
Depuis quelques années, il semble que le phénomène ovni "classique" avec des formes structurées et discernables se fasse de plus en plus rare au profit de lumières nocturnes ou diurnes. L'époque "tôle et boulons" avec atterrissages, traces au sol, petits bonhommes semble révolue. Du coup, ceux qui font partie de la génération XFiles se prennent quelques coups de blues et c'est bien compréhensible. Pourtant, il reste tellement de cas inexpliqués, parfois extraordinaires que l'on est toujours en droit de se poser de sérieuses questions sur la possibilité que nous soyons visités par des extraterrestres sans pour autant en voir à chaque coin de rue.
L'excès de prudence que l'on peut reprocher à OVNI66 sera forcément salué si un jour nous sommes en mesure de démontrer un cas irréfutable en faveur d'un phénomène intelligent d'origine exotique. En attendant, gare à l'ovni-blues !